e-Lettre N°1 – DCPP

e-Lettre Climeri-France N°1 - Novembre 2020

CMIP6 : L’écho des contributions françaises dans les différents MIPs

DCPP - Projet de prévisibilité climatique aux échelles décennales

Image de gauche : Observations des modulations de l’Oscillation Nord Atlantique (en noir) et prévision de ces modulations par les modèles de climat (moyenne de 169 expériences de prévision) du projet DCPP avec une avance de 2 à 9 ans. Les modèles semblent incapables de reproduire les variations décennales de la NAO (en noir), le signal moyen (en rouge gras) étant plus de 10 fois plus faible que celui des observations. Cependant, Cependant, en multipliant le signal de prévision rétrospective par le ratio de l’écart type des observations par celui de la prévision, et en utilisant plus de membres (passage de 169 à 676), on arrive à isoler une prévision rétrospective de la NAO bien meilleure (image de droite)

Le projet DCPP propose de mettre en place des expériences de prévisions rétrospectives du climat sur la période 1960-2014. Pour chaque année sur cette période, un ensemble de 10 expériences (ou membres) de prévision de 10 ans est lancé et comparé aux observations disponibles. Les membres partent de conditions initiales légèrement différentes pour prendre en compte la partie imprévisible du signal. Ainsi, la moyenne des membres isole les signaux de prévisibilité robustes, en réduisant l’effet de la variabilité interne. Ces expériences, dites de prévision, prennent en compte les variations de forçage externe observées à la fois d’origine naturelle (irradiance solaire et éruptions volcaniques) et anthropique, et également l’état observé de l’océan au moment de l’initialisation des prévisions, contrairement aux simulations historiques classiques. De nombreuses méthodologies existent pour cette étape dite d’initialisation, basées en général sur une assimilation des observations dans les modèles couplés océan-atmosphère. Pour le système de prévision décennale IPSL-EPOC, le choix a été fait d’utiliser une méthode de rappel en surface intégrant dans le temps des anomalies observées de température et de salinité de la surface de l’ océan et contraindre leurs variations.

L’effort considérable de modélisation qui a permis de réaliser l’ensemble des prévisions rétrospectives (10 membres x 10 ans x 60 dates de départ = 6 000 années de simulation) a été intégré au projet international DCPP. Un premier résultat marquant a été publié par Smith et al. (2020), qui montre qu’en utilisant l’ensemble des prévisions décennales de tous les instituts participant à l’exercice ainsi qu’au précédent (CMIP5), il semble possible de prévoir les variations décennales de l’Oscillation Nord Atlantique (NAO, mode principal de la variabilité de la pression de surface en Atlantique Nord). Cependant, cette étude révèle également que le signal prévu par les modèles de climat est bien plus petit que ce qui est observé. De ce fait, il faut un grand nombre de simulations (plus de 500) pour réussir à isoler ce signal prévisible. Des étapes sont ensuite nécessaires pour produire une prévision hybride à partir de ce signal prévisible. Une fois ces étapes accomplies, il est alors possible de prévoir des décennies d’hiver extrêmes, comme les années 1990 par exemple sur l’Europe (voir la figure).

Ainsi, cette étude démontre des potentialités fortes concernant la prévision du climat hivernal aux échelles de temps décennales sur l’Europe. Elle met cependant en évidence que les modèles de climat ont encore des déficiences qui les empêchent de bien faire ressortir les signaux prévisibles. Cela pourrait concerner par exemple les interactions océan-atmosphère, qui peuvent se faire à des échelles spatiales très fines, comme les régions frontales, mal résolues par ces modèles de climat dont les mailles sont encore de l’ordre de 100 km de côté.

Rédacteurs : D. Swingedouw, J. Mignot, C. Cassou, et G. Gastineau

Références


DCPP-C : Influence de la Variabilité Atlantique Multidécennale sur les canicules en Europe

a. Série temporelle normalisée de l’AMV après filtrage. b. Anomalies de SST (données ERSSTv4) associées à l’AMV, obtenues par régression de la SST annuelle résiduelle (i.e. après suppression du signal anthropique) sur la série chronologique AMV. c. Moyenne de la différence des ensembles 2xAMV (anomalies en couleur) entre une phase positive et négative d’AMV de la durée des canicules (HW) en été (Juin-Août) pour EC-Earth3P. Les contours noirs correspondent aux valeurs climatologiques en phase négative d’AMV. Les pointillés indiquent les régions qui sont en dessous du seuil de significativité à 95% selon un test de Student. d. Idem mais pour CNRM-CM5.

La tendance au réchauffement d’origine anthropique observée au cours du XXe siècle en Europe est ponctuée par des fluctuations expliquées en partie par la variabilité interne du climat. Plusieurs études ont confirmé des liens entre la Variabilité Atlantique Multidécennale (AMV), qui est le principal mode de variabilité décennale sur l'Atlantique Nord, et le climat européen. Des expériences de sensibilité ont été proposées dans le cadre de CMIP6/DCPP pour isoler la réponse climatique à l'AMV grâce à un protocole basé sur des simulations idéalisées. Celles-ci consistent à rappeler la température de surface de la mer (SST) de l'Atlantique Nord simulée vers des anomalies représentatives de l'AMV observée (fournies par input4MIPs pour la coordination), tandis que le reste du système reste entièrement couplé (Fig. a et b). Conformément aux directives du DCPP-C, de grands ensembles de simulations (ci-après 1xAMV) ont été réalisés avec le modèle CNRM-CM6, CNRM-CM5, et EC-Earth3P. Des ensembles supplémentaires ont également été produits avec les deux derniers modèles en multipliant par 2 et 3 les anomalies associées à l'AMV (ci-après 2xAMV et 3xAMV) afin d'évaluer la sensibilité de la réponse des modèles à l'intensité de l'AMV. En accord avec les observations, pendant une phase positive de l'AMV, les modèles simulent une augmentation de la température de 0,2 °C à 0,8 °C et une diminution des précipitations sur le bassin méditerranéen de 0,1 mm.jour-1 à 0,2 mm.jour-1 (soit une diminution pouvant atteindre 25% par rapport à une phase négative de l'AMV). On constate également une augmentation de la durée des canicules (cf. Références pour leur définition), allant de 3 à 6 jours, soit une augmentation de 40% à 85% par rapport à une phase négative (Fig. c et d). Ces chiffres, comparées aux canicules observées indiquent que l'AMV peut considérablement moduler la tendance actuelle liée au réchauffement climatique en termes de durée des canicules. Les mécanismes de physique de la téléconnexion entre l'AMV et le climat estival méditerranéen pendant une phase positive de l'AMV impliquent des anomalies anticycloniques sur le bassin méditerranéen issues d’un couplage concomitant entre l’atmosphère et les SST de l’Atlantique tropical et extra-tropical. Ces conditions anticycloniques favorisent un assèchement des sols et une réduction de la couverture nuageuse, qui induisent simultanément une diminution (augmentation) du flux de chaleur latente (sensible) et une augmentation des flux radiatifs reçus en surface. L'amplitude de cette réponse sur le bassin méditerranéen évolue linéairement avec celle de l'AMV. Cependant, l'intensité de cette relation semble dépendre des modèles et de leurs biais respectifs.

Rédacteur : S. Qasmi

Référence (fournie sur demande):

  • Qasmi, S. et al. Modulation of the occurrence of heatwaves over the Euro-Mediterranean region by the intensity of the Atlantic Multidecadal Variability, Journal of Climate, en révision.

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