e-Lettre N°1 – PMIP

e-Lettre Climeri-France N°1 - Novembre 2020

CMIP6 : L’écho des contributions françaises dans les différents MIPs

PMIP - Projet d'intercomparaison des modèles paléoclimatiques

Les simulations paléoclimatiques de CMIP6

Cinq périodes passées figurent au menu des simulations CMIP6. Il s’agit en remontant dans le temps du dernier millénaire, de l’Holocène moyen (il y a 6 000 ans), du dernier maximum glaciaire (il y a 21 000 ans), du dernier interglaciaire (il y a 127 000 ans), et d’une période du Pliocène (il y a 3.3 Ma). Elles ont été proposées par le Paleoclimate Modelling Intercomparison Project pour mieux comprendre la réponse du système climatique à différentes perturbations externes induites par le rayonnement solaire, les gaz à effet de serre, ou par différentes conditions de surface (calotte de glace, végétation) (Kageyama et al., 2018). Ces périodes étant bien documentées, les comparaisons des résultats des simulations avec des reconstructions paléoclimatiques issues d’enregistrements physiques, chimiques ou biologiques provenant d’archives environnementales variées et complémentaires (glace, sédiments marins ou lacustres, coquilles, cernes d’arbres, etc.) apportent une vérification de l’aptitude des modèles de climat à représenter un climat différent de l’actuel. Ces simulations offrent également une perspective de long terme sur les différentes échelles de variabilité spatio-temporelles et l’impact des changements climatiques sur les caractéristiques environnementales ou la biodiversité. L’ensemble des simulations a été réalisé avec le modèle de l’IPSL IPSL-CM6A-LR, sauf pour le climat du Dernier Maximum Glaciaire pour lequel IPLS-CM5A2 a été utilisé. Les équipes du LOCEAN et du LSCE sont fortement impliquées dans la coordination de PMIP et ont activement participé à l’analyse des simulations et contribué à plusieurs études multi modèles. L’ensemble de ces résultats a été discuté lors de la conférence PMIP du 26 au 20 octobre 2020. Les principaux articles communautaires ou concernant le modèle de l’IPSL sont regroupés dans un numéro spécial joint entre Geoscientific Model Development and Climate of the Past.

L’Holocène moyen et le dernier maximum glaciaire : périodes clefs pour les évaluations systématiques

Comparaison des résultats des simulations de l’Holocène moyen (fond jaune) et du dernier maximum glaciaire (fond bleu) avec les reconstructions paléoclimatiques sur l’Europe de l’Ouest et l’Afrique de l’Ouest. Les simulations ont été échantillonnées au point des données. Les barres d’erreur pour les reconstructions et les simulations sont obtenues avec une méthode de «boostrap» qui tient compte de l’incertitude en chaque site pour les données et de la variabilité interannuelle pour les simulations. La ligne horizontale en rouge représente la moyenne des constructions sur la zone, et la zone rouge autour de cette barre représente les incertitudes sur cette moyenne, étant donné les incertitudes sur les reconstructions. Les barres d’erreur des simulations sont faibles car les cycles saisonniers moyens de chaque période sont obtenus à partir de moyennes sur 50 années tirées aléatoirement dans 100 ans de simulations. Pour chaque période et région, chaque point de la colonne de gauche représente les résultats d’une simulation (un modèle) PMIP3-CMIP5 et chaque point de la colonne de droite les résultats PMIP4-CMIP6 pour lesquels les différents modèles sont identifiés par une couleur différente. D’après Brierley et al. (2020) et Kageyama et al. (2020a).

Parmi les périodes sélectionnées, l’Holocène moyen et le dernier maximum glaciaire ont un statut particulier, car elles permettent de retracer l’évolution de la qualité des changements de climat simulés depuis la première phase du projet lancée en 1991. La figure 1 compare les résultats des deux dernières phases avec les reconstructions de température du mois le plus froid et du mois le plus chaud en Europe de l’Ouest et de précipitation annuelle sur l’Afrique de l’Ouest.
La modulation du cycle saisonnier du rayonnement solaire par les variations lentes de l’orbite terrestre a conduit à un cycle saisonnier plus marqué en Europe et un renforcement de la mousson africaine à l’Holocène moyen. Le climat glaciaire est quant à lui plus froid en raison de la présence de calottes de glace sur l’hémisphère nord et une concentration plus faible en CO2 de 80 ppm par rapport à 1850 (période préindustrielle). Les simulations reproduisent les grandes tendances régionales. Néanmoins, malgré les incertitudes des reconstructions certains biais systématiques sur l’amplitude des changements entre PMIP3 et PMIP4 persistent comme la sous-estimation de refroidissement du mois le plus froid en Europe de l’ouest pour le climat glaciaire ou la sous-estimation de l’augmentation des précipitations de mousson en Afrique pour le climat de l’Holocène moyen. Le nouvel ensemble de simulations présente aussi des améliorations concernant soit l’accord modèle données ou la dispersion entre les résultats des différents modèles. Des analyses en cours permettront de dissocier la part provenant des modifications des protocoles expérimentaux entre les exercices PMIP3 et PMIP4, de l’amélioration de la représentation du climat actuel et l’amélioration provenant d’une meilleure représentation des différentes rétroactions au sein ou entre les composantes du système climatique (atmosphère, océan, surface continental, glaces).

Le dernier millénaire comme test du fonctionnement de la variabilité naturelle et de la détection du signal anthropique

Figure 2 : Evolution de la moyenne des températures de l’Hémisphère Nord issue des reconstructions et simulée par le modèle IPSL-CM6A-LR par rapport à la période de référence 1500-1849 AD. La zone grisée représente l’amplitude des incertitudes des températures reconstruites pour l’Hémisphère Nord à partir des indicateurs climatiques produits par Osborn and Briffa (GIEC, Jansen et al., 2007). La courbe violette correspond aux températures simulées par le modèle soumis aux variations des forçages naturels et anthropiques sur la période. Les courbes bleues correspondent à des simulations complémentaires sans changements d’utilisation des sols au cours de la simulation. La courbe vert clair en pointillé correspond à la simulation de contrôle avec le même modèle mais soumis aux forçages constants de 1850. Toutes les courbes sont lissées par une moyenne glissante à 20 ans.

Le dernier millénaire (850AD-1849) a rejoint le lot de simulations paléoclimatiques CMIP depuis le dernier exercice PMIP3-CMIP5. Cette période permet d’étudier l’influence des forçages (principalement) naturels (volcanisme, irradiance solaire) sur le climat dans des conditions assez proches de l’actuel et de mieux comprendre les mécanismes de la variabilité naturelle. Les activités humaines ont aussi commencé à agir sur le climat durant cette période via les changements d’usage des sols (déforestation, cultures, urbanisation), le rejet d’aérosols anthropiques et de gaz à effet de serre (Jungclaus et al., 2017). Ces forçages dit anthropiques sont néanmoins faibles et restent régionalement limités avant le début de l’ère industrielle au 19e siècle. Le dernier millénaire permet donc de caractériser la variabilité «naturelle» du climat, c’est-à-dire indépendante de l’action de l’homme sur le bilan radiatif de la Terre et pour laquelle on dispose d’enregistrements paléoclimatiques ou d’informations historiques relativement précises. Trois simulations du dernier millénaire démarrant de phases opposées de l’AMOC ont été réalisées avec le modèle IPSL-CM6A-LR pour évaluer l’influence de l’état initial de l’océan sur les tendances à long terme (Khodri et al. In prep.). Les premiers résultats montrent une cohérence probabiliste de la variabilité des températures de surface simulées en moyenne globale par rapport aux reconstructions issues de la base de données PAGES2k. Les comparaisons modèles-données dans le cadre de projets de recherche collaboratifs en cours dans le cadre de PMIP4 permettront de discerner le rôle de la variabilité interne et celui des forçages externes à différentes échelles de temps et d’espace et de contextualiser les tendances observées sur la période récente (Fig. 2).

Le dernier interglaciaire et le Pliocène pour étudier l’amplification polaire

Les périodes du dernier interglaciaire il y a 12 7000 ans (LIG) et du Pliocène Moyen (PlioMIP), il y a 3.3 Ma ont été proposées comme périodes complémentaires. Elles bénéficient d’une coordination internationale propre rattachée à PMIP et ont démontré leur potentiel sur les questions liées à l’amplification polaire, la sensibilité des calottes ou la glace de mer dans des climats plus chauds. Les simulations du dernier interglaciaire complètent les simulations de l’Holocène Moyen, dans un contexte de changements de saisonnalité du rayonnement solaire plus marqués qu’à l’Holocène en raison d’une orbite terrestre plus elliptique. Cette période est aussi caractérisée par une calotte plus petite. Celle-ci n’est pas prise en compte dans les simulations standards, mais sera étudiée par la suite via le couplage à un modèle de calotte en liaison avec le projet ISMIP6 (Ice Sheet Model Intercomparison Project for CMIP6) dans le cadre de CMIP6.

Figure 3 : Couverture de glace de mer simulée par l’ensemble des modèles pour le dernier interglaciaire (gauche) et changement de température de surface de la mer simulée par le modèle de l’IPSL pour la simulation PlioMIP. Pour le LIG, les données de couverture de glace estivale du LIG sont comparées pour chaque modèle avec les résultats des simulations où la concentration en gaz carbonique est augmentée de 1% par an dans l’atmosphère. La carte représente la moyenne d’ensemble des simulations et les ronds de couleur le nombre de modèle en accord avec les données des sites de prélèvement. Pour le Pliocène, les reconstructions de température sont indiquées par les ronds de couleur localisés sur les sites de prélèvement.

Le Pliocène s’est imposé car c’est la dernière période climatique pour laquelle le taux de CO2 est équivalent à celui de la période actuelle et présente une calotte légèrement réduite. Les simulations PlioMIP avec le modèle de l’IPSL-CM6A-LR reproduisent un climat plus chaud que l’actuel ainsi que l’amplification du réchauffement aux hautes latitudes de l’Hémisphère Nord particulièrement marquée en Atlantique nord (Tan et al., 2020) (Fig. 3). Les analyses s’attachent à identifier les différents facteurs intervenant dans l’amplification polaire et à mettre en relation ces facteurs avec ceux opérant dans l’amplification polaire en cours et à venir en réponse à l’accroissement de température lié à l’activité humaine.

Enfin les reconstructions disponibles au LIG permettent d’étudier la capacité des modèles à reproduire les changements de saisonnalité de couverture de glace de mer en période estivale. Des études précédentes ont identifié des analogies directes entre les mécanismes mis en œuvre au LIG et ceux associés à la fonte de la glace de mer estivale dans les projections futures (Kageyama et al., 2020b). L’accord modèle données est relativement bon, sauf sur la marge de la banquise qui est mal représentée dans la plupart des simulations (la figure 3 illustre aussi la relation linéaire qui émerge entre la couverture de glace de mer simulée au LIG et celle obtenue avec les mêmes modèles soumis à une teneur en CO2 augmentée de 1% par an. Ces relations pourront être exploitées comme critères d’évaluation des modèles et identifier ceux qui sont les plus compatibles avec les données paléoclimatiques. L’un des enjeux est d’arriver à baser un tel critère, non pas sur une seule période climatique, mais en analysant aussi la cohérence des résultats et des mécanismes impliqués entre plusieurs climats.

Rédactrices : P. Braconnot, M. Kageyama et M. Khodri

Références

  • Brierley, C. M., et al. (2020) Large-scale features and evaluation of the PMIP4-CMIP6 midHolocene simulations, Clim. Past Discuss., 2020, 1-35, 2020. https://doi.org/10.5194/cp-16-1847-2020
  • Jansen, E., et al. (2007) Palaeoclimate, in: Climate change 2007: The physical science basis. Contribution of working group i to the fourth assessment report of the intergovernmental panel on climate change, edited by: Solomon, S., Qin, D., Manning, M., Chen, Z., Marquis, M., Averyt, K., Tignor, M., and Miller, H., Cambridge University Press, Cambridge, 2007.
  • Jungclaus, et al. (2017) The PMIP4 contribution to CMIP6 – Part 3: The last millennium, scientific objective, and experimental design for the PMIP4 simulations, Geoscientific Model Development, 10, 4005-4033, 2017. https://doi.org/10.5194/gmd-10-4005-2017
  • Kageyama, M., et al. (2018) The PMIP4 contribution to CMIP6 – Part 1: Overview and over-arching analysis plan, Geosci. Model Dev., 11, 1033-1057, 2018. https://doi.org/10.5194/gmd-11-1033-2018
  • Kageyama, M., et al. (2020a) The PMIP4-CMIP6 Last Glacial Maximum experiments: preliminary results and comparison with the PMIP3-CMIP5 simulations, Clim. Past Discuss., 2020, 1-37, 2020a. https://doi.org/10.5194/cp-2019-169
  • Kageyama, M., et al. (2020b) A multi-model CMIP6 study of Arctic sea ice at 127 ka: Sea ice data compilation and model differences, Clim. Past Discuss., 2020, 1-33, 2020b. https://doi.org/10.5194/cp-2019-165
  • Tan, N., et al. (2020), Modeling a modern-like pCO2 warm period (Marine Isotope Stage KM5c) with two versions of an Institut Pierre Simon Laplace atmosphere–ocean coupled general circulation model, Clim. Past, 16, 1-16, 2020. https://doi.org/10.5194/cp-16-1-2020
  • Khodri M. et al. Climate variability and change over the last 2000 years as simulated by the IPSL-CM5 and CM6 models. En préparation.

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