e-Lettre Climeri-France N°2 - Février 2022
Etudes scientifiques en modélisation régional du climat
Incohérences GCM-RCM pour les signaux de changement climatique en Europe
Les modèles climatiques régionaux (RCMs) permettent d’affiner les projections des modèles climatiques globaux (GCMs) sur une région d’intérêt, ce qui est souvent nécessaire pour caractériser les impacts du changement climatique. On peut s’attendre à des différences dans les changements projetés par les modèles globaux et régionaux à fine échelle, dues aux différences de résolution, en lien avec le relief par exemple. Mais des différences systématiques à plus grande échelle existent-elles également, et si c’est le cas, sont-elles dues à la plus haute résolution des RCMs, ou bien d’autres facteurs entrent-ils en compte ?
C’est à ces questions que nous avons cherché à répondre dans Boé et al. (2020). Nous montrons que sur une grande partie de l’Europe, notamment sur une bande intermédiaire s’étendant de la France à l’Europe de l’Est, les RCMs Euro-CORDEX se réchauffent en été en fin de 21ème siècle en moyenne nettement moins que leurs CGMs forceurs CMIP5 (différences de réchauffement de l’ordre de 1.5°C). La diminution estivale des précipitations y est également moins prononcée dans les RCMs (différences de changements de l’ordre de 10%).
Ces incohérences des changements projetés à grande échelle entre RCMs et GCMs ne s’expliquent pas simplement par des différences de résolution. D’autres facteurs entrent en effet en jeu. L’absence de variations temporelles des aérosols dans de nombreux RCMs, mais qui sont prises en compte par les GCMs CMIP5 (Gutiérrez et al. 2020), explique une partie de ces différences, tout comme le fait qu’une majorité de modèles CMIP5 prend en compte l’effet physiologique du CO2, ce qui n’est pas le cas de la plupart des RCMs (Schwingshackl et al. 2019).
Ces résultats montrent qu’il est critique de progresser dans la compréhension des différences entre les modèles de climat globaux et régionaux, en particulier en ce qui concerne les changements futurs à grande échelle. Dans ce contexte, les progrès passent par une compréhension fine des mécanismes à l’origine de ces différences. Ils passent également par la réalisation d’expériences numériques permettant d’isoler correctement l’impact de la résolution. Une première étape minimale dans ce contexte serait d’utiliser exactement les mêmes forçages externes dans les RCMs et les GCMs forceurs.
Rédacteur : J. Boé (CECI, Université de Toulouse, CERFACS/CNRS)
Références
- Boé J., S. Somot, L. Corre and P. Nabat (2020). Large discrepancies in summer climate change over Europe as projected by global and regional climate models: causes and consequences. Climate Dynamics, 54,2981–3002. https://doi.org/10.1007/s00382-020-05153-1
- Gutiérrez C., S. Somot, P. Nabat, M. Mallet, L. Corre, E. Van Meijgaard, O. Perpiñán, M. Gaertner (2020). Future evolution of surface solar radiation and photovoltaic potential in Europe: investigating the role of aerosols. Environmental Research Letters, 15(3): 034035. https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab6666
- Schwingshackl C., E.L. Davin, M. Hirschi, S.L. Sørland, R. Wartenburger, S.I. Seneviratne (2019) Regional climate model projections underestimate future warming due to missing plant physiological CO2 response. Environmental Research Letters 14(11):114019. https://doi.org/10.1088/1748-9326/ab4949
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