e-Lettre N°3 – Les réflexions internationales sur les enjeux du numérique pour le climat

e-Lettre CLIMERI-France N°3 - Septembre 2022

Les enjeux du HPC et la préparation à l'exascale

Les réflexions internationales sur les enjeux du numérique pour le climat

La réflexion sur l’avenir du calcul haute performance, et les liens entre les simulations, les données générées et leurs multiples utilisations génèrent de nombreuses discussions au niveau international. Le débat a fait apparaître des zones de fractures, que l’on s’intéresse à la prévision météorologique ou climatique à courte échéance ou au changement climatique à plus long terme, ou que l’on parle de simulations issues des modèles de climat ou du déploiement de jumeaux numériques pour diverses applications.  Le débat est aussi exacerbé en Europe en raison de l’amalgame relayé par le programme DestinE entre exascale, ultra haute résolution et jumeaux numériques. Cet amalgame occulte des discussions plus différenciées et reflétant mieux le large spectre d’activités de CLIMERI-France autour du calcul, de l’avenir de la modélisation du climat et le recours à différentes méthodes d’intelligence artificielle (fouille de données, apprentissage machine, classifications, assimilation…).

Ces débats traversent aussi la mise en place d’une des activités phares du programme mondial de recherche sur le climat (PMRC) appelé «Digital Earth» (DE). Du point de vue du PMRC, l’objectif de DE n’est pas de construire un modèle ou un jumeau numérique, mais d’offrir un lieu d’échange et de partage d’expertise autour de questions d’actualité en pleine mutation scientifique et technique. Les orientations actuelles de DE s’organisent autour de 3 principaux piliers (Figure 1).

La modélisation couplée régionale ou globale aux échelles de l’ordre du km a comme objectif d’accroître la mise en réseau de l’expertise autour des développements des modèles du Système Terre et des composantes individuelles. L’assimilation de données vise à créer une communauté de recherche active dans le domaine du climat bénéficiant et étendant les efforts de prévision numérique du temps et de réanalyse en cours. L’intégration, au-delà du système physique des interactions avec l’activité humaine et les systèmes anthropisés ou des études d’impacts du changement climatique sur les activités humaines, alimentera la réflexion sur les systèmes d’information climatique. Un atout de «Digital Earth» est le regroupement autour de questions communes de la modélisation globale. Comme pour toutes les activités du PMRC, le succès dépendra de l’appropriation par la communauté. Il dépendra aussi de la capacité de DE à offrir à la fois de nouvelles voies d’exploration du fonctionnement du climat ou de sa prévisibilité et des réponses plus intégrées et pertinentes aux questions d’atténuation et d’adaptation aux échelles régionales et locales.

Par certains aspects, la mise en place de «Digital Earth» s’inscrit dans la demande de renforcement de la coordination des démarches autour du calcul haute performance et des données émergeant de deux « concept notes » de l’organisation mondiale de la météorologie (OMM). Ces notes ont été élaborées par des membres d’un groupe de travail mis en place par le comité recherche de l’OMM et ont fait l’objet de contributions externes sur les contenus et les relectures.

En ce qui concerne le calcul et les données (Figure 2), ces recommandations insistent sur l’urgence de mettre en place des efforts dédiés pour surmonter les difficultés liées à l’évolution des technologies informatiques dans un paysage où les orientations ne sont pas encore entièrement stabilisées. Elles insistent sur le besoin de coordination pour préparer les codes aux machines escales, en insistant sur le fait que les défis scientifiques croissants, ainsi que la complexité croissante de l'environnement informatique, nécessiteront des efforts importants pour adapter ou réécrire les modèles du système Terre et garantir que les développements remplissent les exigences de performance, de portabilité (divers matériels, y compris GPU et CPU) et de productivité. L’attention est aussi mise sur l'empreinte carbone et l’exigence de rendre les centres de données neutres en carbone dans le cadre d'engagements climatiques. La « co-conception » entre les scientifiques, les développeurs de modèles, les informaticiens et les ingénieurs en logiciels est mentionnée comme un atout et il est important d’étendre cette co-construction à l’industrie pour les questions de matériel-logiciel.  Enfin, en ce qui concerne l’augmentation du volume de données et des besoins d’analyse, une co-localisation du HPC et des données est jugée nécessaire, ainsi que l’accès libre aux résultats. Ce dernier point requiert une normalisation accrue pour améliorer l'accès, la découverte et l'utilisation des données.

La deuxième note de l’OMM porte sur l’Intelligence artificielle et les données. Elle fait un état des lieux des nombreuses directions possibles et en cours. Elle souligne le besoin d’adopter à très court terme des stratégies cohérentes pour les produits opérationnels et les chaînes de traitement de données et, à plus long terme, de promouvoir les bonnes pratiques. De nombreuses barrières sont aussi évoquées pour l’adoption de nouvelles solutions basées sur l’IA. Parmi elles figurent les exigences liées à la forte augmentation du nombre de données. Bien que les recommandations visent plus des applications opérationnelles, les exemples fournis, les questions de flexibilité et d’interopérabilité sont pertinents pour les questions de recherche attachées à la modélisation du climat ou aux comparaisons modèles-données.

Les questions liées au HPC et à l’IA ont pris une place prépondérante dans le paysage. Un enjeu pour CLIMERI-France est de permettre de déployer une stratégie nationale cohérente et dans la durée, en bonne adéquation avec les nombreuses directions de recherches attachées à la modélisation du climat et de ses changements. Le succès du PEPR TRACCS arrive à un moment charnière pour aborder ces évolutions.

Rédactrice : P. Braconnot (LSCE-IPSL)

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